mercredi 13 avril 2011

Vive l'industrie ... oui, mais quelle industrie ?

Depuis quelque temps, l'industrie a le vent en poupe. En France, vient de se dérouler une semaine de l'industrie, destinée à promouvoir ces secteurs d'activité. L'ère du "brick and mortar" était sensée être révolue au profit des nouvelles technologies, accentuant encore la tertiarisation de l'économie. Les Etats-Unis voyaient leur croissance s'accélérer grâce aux gains de productivité réalisés non pas dans l'industrie, mais dans la nouvelle économie, la finance et le commerce. Mais le vent a tourné. La crise financière est passé par là, jetant un trouble sur les performances "réelles" de la sphère financière. L'éclatement de la bulle immobilière, pas seulement outre-Atlantique, mais aussi au Royaume-uni, en Irlande ou en Espagne a montré que la dynamique de la construction a aussi ses limites comme soutien à la croissance. Portée par le développement des pays émergents, avide de biens de consommation et d'équipement, l'industrie a retrouvé une légitimité qui semblait perdue. Faire de lance de l'industrie européenne, l'Allemagne est ainsi aujourd'hui couverte de louanges pour ces performances économiques. Au contraire, la France se trouve un peu à la peine. Selon certains observateurs, le faible poids du secteur industriel dans l'économie hexagonale ( autour de 10 % pour les activités manufacturières en France, presque le double en Allemagne) serait un lourd handicap, à l'origine de ce décalage franco-allemand. Mais encore faut-il savoir de quoi parle-t-on. D'abord, nombre d'entreprises industrielles ont externalisé une partie des fonctions tertiaires (développement des activités d'intérim comptabilisées dans les services aux entreprises et non dans le secteur utilisateur, le nettoyage, une partie de la comptabilité, de la communication, etc.). Ceci affecte la lecture des effectifs employés par secteur d'activité. Il est clair ainsi qu'une grande partie des personnes employées dans les services aux entreprises travaillent en fait pour des entreprises industrielles. Deuxièmement, la vision de l'industrie que l'on peut avoir aujourd'hui doit intégrer une réflexion sur la chaîne de valeur. La valeur ajoutée naît surtout de la conception des produits, de leur distribution et moins de leur fabrication stricto sensu. L'i-phone d'Apple n'est pas fabriqué aux Etats-Unis. Par contre, le développement de ce produit a généré des profits importants pour Apple, avec in fine des retombées positives pour l'économie américaine. Troisièmement, même pour les entreprises engagées dans la fabrication de produits industriels, les services apportés associés à ces produits, par exemple en matière de maintenance ou de formation, peuvent se révéler cruciaux, à la fois en termes de contribution au chiffre d'affaires et de valeur ajoutée, tout en étant discriminants sur le plan de al compétitivité. Dans une enquête de 2005 menée par le Ministère de l'industrie, 28 % des entreprises industrielles déclaraient fournir des services à leurs clients (33 % des entreprises de plus de 250 salariés). Dans ce contexte, pour les "vieilles" nations, il est sans doute nécessaire de repenser la stratégie industrielle. Face à la concurrence des pays à bas salaires, qui est appelée à durer, c'est sur le positionnement dans la chaîne de valeur que doit porter la réflexion. Il n'est donc pas incompatible d'avoir un peu moins d'usines, tout en se donnant comme objectif de préserver une industrie capable d'innover et créatrice de valeur. Naturellement, cela pose de multiples questions en matière politique économique, en particulier en ce qui concerne l'emploi. Dans un pays comme la France, l'emploi peu qualifié est sans doute appelé plutôt à se développer dans le tertiaire plutôt que dans l'industrie. Au fur et à mesure que les activités se recentrent sur les fonctions tertiaires dans les entreprises industrielles (c'est-à-dire en dehors de la fabrication pure et dure), ce sont les emplois qualifiés (ingénieurs, techniciens de maintenance) qui vont prendre de l'ampleur. Il faut donc repenser l'industrie, plutôt que vouloir s'arc-bouter sur des schémas anciens et datés. C'est à ce prix que les activités industrielles peuvent encore contribuer à la croissance des pays développés.

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