vendredi 18 septembre 2009

Reprise, vous avez dit reprise, mais quelle reprise ?

Avant l'été, les interrogations sur la conjoncture économique portaient autour de la profondeur et de la durée de la récession, la pire que nous ayons connue depuis 1929. Désormais, la question centrale a changé de nature. Les signes d'amélioration de la conjoncture se sont multipliés, de sorte que le débat maintenant se focalise sur l'intensité et la nature de la reprise en cours. D'un point de vue sémantique, le terme de rebond est souvent employé actuellement, pour indiquer que le mouvement actuel aurait davantage un caractère technique, lié en particulier au restockage, qui serait donc forcément passager.

Dans le sondage que nous avons mis en ligne durant l'été, une majorité de répondants (57 %) considèrent que la croissance tendancielle sera revue à la baisse avec la crise. Une petite minorité (28 %) entrevoit même le début d'une nouvelle ère économique. Peu de personnes considèrent que le cycle actuel débouchera sur une reprise classique. Enfin, l'idée que la crise se traduise par une perte de production qui ne sera jamais retrouvée, mais qui serait suivie d'une croissance sur un rythme voisin de celui qui a été observé avant la crise, n'a recueilli aucun suffrage.

Cela nous inspire trois remarques sur ce que pourrait être la tendance future de l'économie.

Premièrement, on ne peut pas penser qu'à l'horizon d'un an ou deux la croissance soit aussi forte que la baisse que nous avons vécue pendant les dix-huit derniers mois. L'intensité de la baisse de la production a été la conséquence de la chute de la demande finale (en particulier de l'investissement) à laquelle s'est ajoutée un processus de déstockage. Dans la phase haussière, il est fort possible que les stocks aient temporairement une forte contribution à la croissance mais les autres composantes ne devraient pas faire preuve d'un grand dynamisme. La consommation va rester handicapée par une situation dégradée du marché du travail, tandis que la faiblesse des taux d'utilisation de capacités de production n'invite pas investir. Par ailleurs, les politiques économiques vont forcément devenir plus restrictives. Il va bien falloir restaurer notamment les finances publiques.

A plus long terme, la notion même de croissance tendancielle ou potentielle mérite d'être discutée. Qu'elle soit calculée à partir de filtres statistiques ou de fonctions de production, les évaluations obtenues restent très circonstancielles et liées au contexte économique de l'époque. Rappelons-nous les évaluations qui étaient faites de la croissance potentielle américaine avant l'éclatement de la bulle Internet. Ainsi, peut-on raisonnablement penser que la croissance mondiale revienne sur un rythme de 5 % l'an, qui avait été observé avant la crise ? Celui-ci n'était pas soutenable pour au moins deux raisons. D'une part, dans les pays anglo-saxons notamment, il a été le fruit d'un endettement croissant et massif des ménages. le taux d'épargne des ménages britanniques est ainsi passé de 10 % au milieu des années 1990 à zéro début 2008. Ceci n'était pas extrapolable. D'autre part, la forte hausse des prix des matières premières qui avait été observée juste avant la crise nous indiquait que la croissance mondiale était trop forte pour être soutenable. La demande croissante des pays émergents ne pouvait être satisfaite d'une modération de la demande des pays développés. Il faut conserver que la croissance économique est un flux, qui passe par l'utilisation d'une partie d'un stock de ressources naturelles, en partie non renouvelables. Cela ne peut conduire qu'à une hausse graduelle du prix relatif des ressources rares, ce qui devrait amener à en limiter l'usage. C'est en quelque sorte le processus d'un choc pétrolier étalé dans le temps.

Faut-il dès lors imaginer que le monde a changé avec la crise ? Sur le plan de l'exploitation des ressources rares, on peut penser que la prise de conscience est maintenant assez générale, sur le plan géographique et aussi sur le plan sociétal, même si les intérêts particuliers ont encore tendance à prendre parfois le dessus sur l'intérêt général. Sur le plan des risques financiers, des doutes sont permis. Beaucoup d'acteurs voient dans la crise une simple mauvaise passe, qui est d'ailleurs en train d'être surmontée. Plus la situation économique s'améliore, plus il sera difficile de réformer en profondeur le système financier, le caractère d'urgence s'estompant naturellement. Quelques progrès ont été accomplis, mais beaucoup reste à faire.

En conclusion, la reprise en cours ne devrait pas, selon nous, déboucher une croissance durablement aussi soutenue que par le passé récent. Mais est-ce vraiment une mauvaise nouvelle ? Nous aurons l'occasion de revenir sur les questions environnementales, que l'on peut découpler des interrogations sur al croissance, ainsi que sur la pertinence de la mesure de richesse économique, qui est en ce moment discutée (voir le rapport de la Commission Stiglitz).