vendredi 23 décembre 2011

Bon anniversaire ... Monsieur euro !

L'euro a dix ans ! 10 ans ... ce sont les noces d'étain ! Pour les 10 ans de mariage, le compte est rond, on passe aux choses sérieuses avec un matériau métallique solide ! A l'état brut ou pièce d'orfèvrerie des Etains du Prince, il vous portera bonheur pour les 10 années à venir (extrait d'anniversairedemariage.com). Pas sûr que les autorités européennes fêtent en grande pompe cet anniversaire. Dans le contexte actuel, la discrétion est de rigueur ! Car l'euro est clairement en danger. Ici ou là les esprits commencent à envisager un éclatement de la zone, à travers divers scénarios. Après le mariage ... le divorce ! Mais celui-ci serait très douloureux : moralement (cela signifierait un coup d'arrêt peut être fatal à la construction européenne) ; financièrement (au moins pour un temps, cela ne ferait que tirer les économies européennes vers le bas).

De toute évidence, l'Europe s'est tirée une balle dans le pied ces derniers mois. Certes la croissance économique mondiale s'est affaiblie en 2011, mais la zone euro sera seule à connaître la récession. Pourtant, il est bon de le rappeler, les déficits publics au niveau de l'ensemble de la zone sont bien moindres qu'outre-Atlantique et la balance commerciale est à l'équilibre. En outre, la dette publique est détenue au moins aux trois-quarts en interne (encore une fois si l'on considère l'ensemble de la zone). L'éco-système "zone euro" est donc viable : il faut par contre un rééquilibrage au sein de la zone. Or, toutes les décisions prises jusqu'ici se focalisent sur une chose : réduire le plus rapidement possible les déséquilibres publics. Cela ne peut conduire qu'à une récession. Cet attitude contraste avec celle des autorités américaines qui se focalisent d'abord sur la croissance. Il n'est pas question ici de contester la nécessité de rééquilibrer les comptes publics. Mais il fallait donner du temps eu temps (comme nous le disions déjà en juillet !). En voulant faire vite, les gouvernements européens se sont décridibilisés auprès des marchés qui leur ont dit : "si vous mettez des plans d'ajustement en oeuvre aussi rapidement, la croissance s'affaiblira et vous n'atteindrez pas vos objectifs budgétaires". Ce à quoi les gouvernements européens ont répondu par toujours plus de rigueur budgétaire ...

La réponse européenne de la crise qui s'est amorcée en 2008 aurait dû s'appuyer sur quatre piliers :

- un rééquilibrage graduel et coordonné des comptes publics : un calendrier crédible de rééquilibrage des comptes publics sur une période longue de 5 à 7 ans selon la situation initiale et coordonné au niveau de l'ensemble de la zone. Pour l'ensemble de la zone, l'ajustement structurel aurait dû être d'environ un point de PIB par an (il a été double en 2011), ce qui aurait permis de ramener les comptes à l'équilibre à un horizon de 5 ans pour l'ensemble de la zone. Le chemin aurait dû être plus pentu pour les pays à forts déséquilibres ... mais aussi plus doux pour ceux qui bénéficiaient d'une situation budgétaire meilleure. L'annonce de ce plan aurait dû être commune et non se faire de façon dispersée.

- un soutien aux économies en difficulté : parallèlement, des mesures de soutien à l'économie auraient dû être annoncées au niveau de l'ensemble de la zone : au niveau agrégé, celles-ci auraient dû être neutres, mais elles auraient favorisé les pays où l'ajustement budgétaire aurait été le plus sévère. Par exemple sous la forme d'emprunts garantis par un système du type FESF ou via la Banque européenne d'investissement ou encore sous la forme d'un élargissement des fonds structurels destinés à renforcer le potentiel de croissance et la convergence des économies périphériques.

- un programme de convergence fiscale : une marche vers une harmonisation de la fiscalité entre les pays membres auraient dû être annoncée pour les grands impôts pouvant donner lieu à des distorsions économiques (impôt sur les sociétés, impôt sur le revenu, cotisations sociales). Un programme sur cinq ans aurait dû être défini pour amener les pays vers des taux compris dans une fourchette étroite, à la lumière des critères de convergence adoptés à la naissance de l'euro.

- une adaptation du traité de Maastricht : la croissance nominale de la zone euro à long terme sera sans doute proche de 3,5% (et non 5%), recouvrant une hausse du PIB réel de 1,5 % et 2 % de hausse des prix. Cela signifie que l'on peut admettre une dette de 50 % du PIB (et non 60 %) et un déficit inférieur à 1,75 % du PIB (et non 3%), pour une dynamique soutenable de la dette. La règle d'or n'est pas forcément nécessaire. Enfin, il faudrait compléter les critères en incluant notamment les déséquilibres extérieurs (l'Espagne et l'Irlande dégageaient un excédent public) et sans doute des critères de surveillance financière (notamment le prix des actifs). Il faudrait réfléchir aussi à la symétrie du traité : un excédent commercial pléthorique est signe d'un excès d'épargne ; lorsque la croissance est forte, il faudrait contraindre les pays à dégager un excédent budgétaire.

Faute de telles décisions, l'avenir de la zone euro est aujourd'hui très incertain. Mais il n'est pas forcément trop tard. Il faut absolument adopter une vision dynamique et non pas accentuer la seule peur du gendarme !!!






vendredi 29 juillet 2011

L'euro en danger : donner du temps au temps !

Depuis plus d'un an maintenant, la crise de la dette souveraine européenne fait la une de l'actualité. Devant ce feuilleton quasi-quotidien où les prises de position les plus fermes sont parfois démenties le mois suivant, il n'est pas inutile de rappeler quelques points clefs :

1. L'euro est un choix politique. Sa défense l'est aussi. Une grande partie des turbulences actuelles provient du fait que les dirigeants européens répondent de leurs actes devant leurs propres citoyens et non devant l'ensemble des citoyens européens. La position de Mme Merkel est donc sous l'influence des intérêts nationaux. Cette dernière aurait probablement une position différente si les électeurs grecs pouvaient influer sur sa destinée ! Cela explique que les positons nationales soient parfois divergentes ou, qu'en termes de théorie des jeux, ce ne soit qu'en cas de crise extrême que les choses avancent (parce ce qu’une catastrophe en Grèce peut avoir un impact en Allemagne pour poursuivre notre exemple)

2. Les déséquilibres commerciaux des pays européens sont largement intra-européens. Autrement dit l'excédent commercial allemand n'est que le symétrique des déficits des pays du Sud. Pour que ces derniers rééquilibrent leurs économies (et ils en ont besoin), le premier marché européen doit repartir. Autrement dit les Allemands doivent consommer. Mais les tendances démographiques vont à l'encontre de ce mouvement. Alors il faudra accepter des transferts des pays excédentaires vers les pays déficitaires (finalement c'est un peu ce qui se passe aujourd'hui). Il faut placer le curseur de la vertu au bon niveau. Certes, tous les pays européens doivent faire des efforts pour rester compétitifs (éviter les dérapages des coûts salariaux, faire des efforts de recherche et développement pour monter en gamme et ne pas prendre de face la concurrence des pays émergents, etc.). Mais il ne faut pas transférer une guerre larvée du change – chose impossible en union monétaire- vers une guerre des coûts, qui ne peut être que déflationniste !

3. La construction européenne a voulu favoriser une convergence des niveaux de vie entre les pays (par le haut bien sûr). Cela explique en partie les différentiels d'inflation et de coûts entre les pays membres, qui sont devenus difficilement supportables avec une monnaie unique. Il faut poursuivre ce processus de convergence, encore une fois cela veut dire favoriser la croissance là où le niveau de vie est faible, à travers par exemple les fonds structurels.

4. On peut montrer que, sous réserve d'une certaine rigueur, les déséquilibres de certains pays peuvent être résorbés. Mais pas en un an ou deux, sinon les politiques restrictives tueront la croissance et rien ne sera résolu. Cela nécessite une bonne dizaine d’années. De ce point de vue, les décisions européennes vont dans le bon sens.

5. Le principal danger est un effet de contagion, touchant l’Espagne et l’Italie, et pourquoi pas d’autres pays. Il faut bien voir que ce risque est né en partie des atermoiements européens, en partie pour les raisons de stratégie politique évoquée plus haut. Espérons qu’il ne soit pas trop tard !

La crise grecque est parfois perçue comme la fin de l’euro. Au contraire, elle devrait être perçue comme le début d’une nouvelle ère européenne, basée sur une autre gouvernance (coordination des politiques économiques, soutien mutuel, transferts structurels renforcés, etc.), renforçant l’idée d’un marché unique avec une monnaie unique. La solution n’est pas dans l’éclatement de l’euro (en 2, 3 ou 4 zones …). Certains évoquent la création d’un euro du Nord (avec l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche) et un euro du Sud (avec la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal). Mais les cas de ces quatre pays sont complètement différents. On s’en apercevrait vite et la zone Sud devrait encore être redivisée (Nord-Sud et Sud-Sud ???).

Le seule vraie stratégie est celle du long terme avec les pistes évoquées ci-dessus, en s’appuyant sur un véritable engament politique dès maintenant. Faute de quoi tout peut arriver, même si « le pire n’est jamais certain », surtout en ce qui concerne la construction européenne…

mercredi 13 avril 2011

Vive l'industrie ... oui, mais quelle industrie ?

Depuis quelque temps, l'industrie a le vent en poupe. En France, vient de se dérouler une semaine de l'industrie, destinée à promouvoir ces secteurs d'activité. L'ère du "brick and mortar" était sensée être révolue au profit des nouvelles technologies, accentuant encore la tertiarisation de l'économie. Les Etats-Unis voyaient leur croissance s'accélérer grâce aux gains de productivité réalisés non pas dans l'industrie, mais dans la nouvelle économie, la finance et le commerce. Mais le vent a tourné. La crise financière est passé par là, jetant un trouble sur les performances "réelles" de la sphère financière. L'éclatement de la bulle immobilière, pas seulement outre-Atlantique, mais aussi au Royaume-uni, en Irlande ou en Espagne a montré que la dynamique de la construction a aussi ses limites comme soutien à la croissance. Portée par le développement des pays émergents, avide de biens de consommation et d'équipement, l'industrie a retrouvé une légitimité qui semblait perdue. Faire de lance de l'industrie européenne, l'Allemagne est ainsi aujourd'hui couverte de louanges pour ces performances économiques. Au contraire, la France se trouve un peu à la peine. Selon certains observateurs, le faible poids du secteur industriel dans l'économie hexagonale ( autour de 10 % pour les activités manufacturières en France, presque le double en Allemagne) serait un lourd handicap, à l'origine de ce décalage franco-allemand. Mais encore faut-il savoir de quoi parle-t-on. D'abord, nombre d'entreprises industrielles ont externalisé une partie des fonctions tertiaires (développement des activités d'intérim comptabilisées dans les services aux entreprises et non dans le secteur utilisateur, le nettoyage, une partie de la comptabilité, de la communication, etc.). Ceci affecte la lecture des effectifs employés par secteur d'activité. Il est clair ainsi qu'une grande partie des personnes employées dans les services aux entreprises travaillent en fait pour des entreprises industrielles. Deuxièmement, la vision de l'industrie que l'on peut avoir aujourd'hui doit intégrer une réflexion sur la chaîne de valeur. La valeur ajoutée naît surtout de la conception des produits, de leur distribution et moins de leur fabrication stricto sensu. L'i-phone d'Apple n'est pas fabriqué aux Etats-Unis. Par contre, le développement de ce produit a généré des profits importants pour Apple, avec in fine des retombées positives pour l'économie américaine. Troisièmement, même pour les entreprises engagées dans la fabrication de produits industriels, les services apportés associés à ces produits, par exemple en matière de maintenance ou de formation, peuvent se révéler cruciaux, à la fois en termes de contribution au chiffre d'affaires et de valeur ajoutée, tout en étant discriminants sur le plan de al compétitivité. Dans une enquête de 2005 menée par le Ministère de l'industrie, 28 % des entreprises industrielles déclaraient fournir des services à leurs clients (33 % des entreprises de plus de 250 salariés). Dans ce contexte, pour les "vieilles" nations, il est sans doute nécessaire de repenser la stratégie industrielle. Face à la concurrence des pays à bas salaires, qui est appelée à durer, c'est sur le positionnement dans la chaîne de valeur que doit porter la réflexion. Il n'est donc pas incompatible d'avoir un peu moins d'usines, tout en se donnant comme objectif de préserver une industrie capable d'innover et créatrice de valeur. Naturellement, cela pose de multiples questions en matière politique économique, en particulier en ce qui concerne l'emploi. Dans un pays comme la France, l'emploi peu qualifié est sans doute appelé plutôt à se développer dans le tertiaire plutôt que dans l'industrie. Au fur et à mesure que les activités se recentrent sur les fonctions tertiaires dans les entreprises industrielles (c'est-à-dire en dehors de la fabrication pure et dure), ce sont les emplois qualifiés (ingénieurs, techniciens de maintenance) qui vont prendre de l'ampleur. Il faut donc repenser l'industrie, plutôt que vouloir s'arc-bouter sur des schémas anciens et datés. C'est à ce prix que les activités industrielles peuvent encore contribuer à la croissance des pays développés.