vendredi 30 avril 2010

Euro : attention à ne pas tirer des conclusions erronées de la crise grecque

Les difficultés grecques, et les tensions de financement pour d'autres pays dits du Sud, ont conduit certains analystes à s'interroger sur la pertinence de maintenir la zone euro en l'état. L'idée sous-jacente est que ces pays en difficulté pourraient retrouver des marges de manoeuvre en renouant avec une monnaie nationale et en la dévaluant contre l'euro.

Il faut en fait dire haut et fort que si la zone euro éclatait, les dommages économiques et sociaux pour les pays membres seraient considérables.

D'une part, d'un point de vue technique, la mise en oeuvre d'une autre monnaie ne peut se faire du jour au lendemain. La question de la sortie de la zone euro n'est pas du tout symétrique à la question de l'entrée. Les coûts ne sont pas les mêmes. Quelle serait alors l'attitude des marchés devant ce flot d'incertitude ? Par ailleurs, même si les pays sortant de la zone euro pouvaient dévaluer, le montant de leur dette exploserait puisque leurs principaux bailleurs sont dans la zone euro. Les banques centrales de ces pays seraient aussi contraintes d'augmenter très fortement leurs taux, ce qui étoufferait la demande interne. Pour les pays qui resteraient dans la zone, dont l'Allemagne, il en résulterait aussi probablement des tensions sur les taux et une perte de débouchés en raison de la récession qui toucherait les pays sortant. Les banques de ces pays seraient aussi fragilisées par une éventuelle dépréciation de leurs créances sur les pays sortants.

Il est donc incontournable pour les pays membres de se montrer solidaires. Cependant, cette solidarité ne peut être inscrite dans les textes, puisque cela équivaudrait à créer un aléas moral important : pourquoi être rigoureux si je suis sûr que mes voisins vont payer pour moi ? Le pragmatisme doit prévaloir.

Et c'est bien ce qui se passe depuis un an et demi. Les pays de la zone euro n'ont pas hésité à mettre entre parenthèses, pour un temps, les critères de Maastricht, lorsque la crise était prégnante. De même, si rien n'était prévu pour une situation de ce type à l'origine, avec du temps et non sans difficulté, les pays membres ont réussi à se mettre d'accord pour sauver la Grèce du défaut de paiement, tout au moins à l'heure où est écrit ce billet.

De fait, l'Europe est un objet original. Il ne s'agit pas d'un état fédéral, et les pays membres gardent leur indépendance. Les gouvernements répondent d'ailleurs à leurs ressortissants et non à tous les européens. Mais aucune zone géographique au monde n'est aussi avancée en termes de coopération économique, voire politique (comme l'a montré l'abandon de la souveraineté monétaire, qui est aussi un geste politique très fort).

Il en va ainsi de la construction européenne. Sa trajectoire n'est pas rectiligne, loin s'en faut. Elle avance plutôt en crabe ! Mais elle avance quand même ...

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